Peut-être la plus saillante des caractéristiques qui expliquent l’émerveillement et l’admiration absolue que beaucoup ressentent lorsqu’ils sont confrontés à la musique de la Renaissance est-elle la virtuosité au contrepoint de ces compositeurs : Josquin Desprez, Pierre de la Rue, Johannes Ockeghem et tant d’autres sont considérés jusqu’à nos jours comme de grand maîtres de cet art, combinant canons, fugues, canons de prolations et autres techniques contrapuntiques extrêmement complexes. Le cantus firmus fait partie de cette longue liste, et est au demeurant une technique communément employée, qui consiste à réutiliser strictement une mélodie préexistante dans un morceau nouvellement composé en l’attribuant à l’une des voix. Ce programme ambitionne d’explorer certaines de ces familles de « mélodies de seconde main », ainsi que leurs dérivés et variations. D’une part, il survole certaines des plus grandes traditions de cantus firmus qui poussèrent un nombre impressionnant de compositeurs à relever le défi de proposer leur version. Contrastant avec celles-ci par sa vivacité, un des exemples les plus connus de pièces partant de la mélodie jadis connue « Tandernaken », une chanson d’amour légère, est ensuite proposé. Un des rares exemples de chansons profanes composées sur un ténor sacré, abordant ici la thématique du deuil, apporte une note plus solennelle au programme. D’autre part, le programme s’ouvre au monde plus moderne des fantaisies instrumentales qui commencent à apparaître au cours de la seconde moitié du XVIème siècle, et qui souvent basent, plus librement, leur contrepoint sur des mélodies préexistantes et souvent populaires. Que ce soit en Angleterre ou en France, sous forme de thème et variations ou de morceau unique enchevêtrant un thème ou motif de mille façons presque jusqu’à l’absurde (A Browning, Sit Fast), ce nouveau genre, qui sera peu après l’apanage des instruments à clavier, fascine par sa créativité et son inventivité. À travers ce programmes, nous voudrions offrir la possibilité au spectateur de découvrir comment ces mélodies non seulement nous fournissent d’intéressants liens intertextuels à explorer, mais aussi nous font écouter ce répertoire d’une manière toute nouvelle, en nous permettant de faire connaissance avec un univers musical de « tubes » d’il y a plusieurs siècles, et ainsi, de nous faire à nouveau nous émerveiller de la créativité, du talent et des diverses personnalités musicales des compositeurs de la Renaissance.