Créer une forêt imaginaire. À l’origine, ce sont de grands morceaux d’arbres. Et par nature, ils ont mon plus grand respect. Déjà coupés par la scierie, ils constituent la première couche dégagée du tronc et deviennent une chute de bois peu valorisée par l’industrie. Alors j’interviens. Je prolonge leur existence… Célébration d’un retour de la mort vers la vie, reconstruction du lien à notre mère nature autant qu’à la lignée de nos ancêtres. Ma première approche est de calibrer du regard leur fière présence, de remettre leur masse debout et, ainsi, considérer leur hauteur plus grande que moi. Mon premier geste est de caresser leur écorce, de parcourir leur enveloppe, pour éprouver chaque relief, chaque anfractuosité, et ressentir le grain comme le lissé. Une relation fraternelle s’installe. Une Tranche de Pin, c’est un tout. Chaque face compte. Leur préparation est un travail long, physique, minutieux et heureux. Écorcer d’abord, au ciseau à bois, puis poncer de plus en plus fin. Ce premier pas révèle le bois mis à nu, marqué d’empreintes, de traces animales, de traumatismes ou de blessures, mais aussi les parfums de résine et de sève, les signes de la vie de cet arbre. Désormais imprégnée, je me laisse guider par la courbe de l’aubier, le dessin des nœuds, le rythme des aspérités, l’accroche des bordures. Chaque Tranche de Pin devient alors un caractère, un personnage. Adossée à une paroi verticale ou indépendante sur son pied. Elle se présente par deux faces, une vernie côté arrondi et une peinte côté plat. Parfois, elle arbore un jeu de matériaux enchâssés. Les Tranches de Pin proviennent toutes de la forêt usagère.

Ce projet est né dans les mois qui ont précédé le grand incendie de l’été 2022. Nous pouvons y voir un réel hommage à rendre aux nombreuses conséquences de ce drame, péril végétal, souffrances humaines et animales. Ainsi qu’un formidable élan destiné à toute vie nouvelle.